Le mardi 21 Mars 2023 a débuté dans la salle de réunion du Bureau Régional du comité d’organisation Diffa N’Glaa (ex Bureau care), la formation de vingt (20) Défenseurs commis d’Office (DCO) de la région de Diffa sur le droit pénal général.

Cette formation qui a regroupé les Défenseurs Commis d’Office du Tribunal de Grande Instance de Diffa et ceux des Tribunaux d’Instance de Maïné Soroa et N’guigmi rentre dans le cadre des activités de renforcement des capacités des DCO en vue l’amélioration des prestations fournies pour la défense des dossiers.

Après la Fatiha prononcée par un participant, s’en est suivi le discours d’ouverture des travaux prononcé par le représentant de l’ANAJJ, monsieur Abdourahamani Boureima. Ce dernier, dans son allocution, a rappelé que l’objectif visé à travers cet atelier est de mieux outiller les DCO afin d’améliorer la qualité de leurs prestations en matière d’assistance judiciaire pour qu’ils puissent défendre convenablement et efficacement les justiciables et améliorer ainsi la qualité de la justice. Il a exhorté les participants à beaucoup d’attention, afin de tirer le meilleur profit de cette formation et de mener à bien leur mission pour le grand bonheur de nos populations. Il a enfin adressé ses vifs et sincères remerciements au partenaire ABA Roli dont l’appui financier soutenu a permis la tenue de ce présent atelier.

Quant au représentant de American Bar Association (ABA Roli), dans son mot de bienvenue adressé aux participants, il a remercié les DCO pour leur disponibilité avant de les exhorter à être attentifs tout au long de la formation pour en tirer profit. Il a indiqué que cette formation vient à point nommé puisqu’elle se tient au lendemain de la fin des assises de la chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance de Diffa, leur offrant ainsi occasion de poser des questions sur ce qu’ils n’ont pas compris lors des assises afin de s’améliorer.

Dans le cadre de la présente formation étendue sur trois (3) jours (du 21 au 23 mars 2023), il a été question surtout de s’appesantir sur le droit pénal général. Deux sous thématiques ont été développées à savoir la personnalisation de la peine et l’introduction et les généralités sur la peine. Les exposés de ces deux sous thématiques ont été suivies de quelques cas pratiques soumis aux DCO pour évaluer leur degré de compréhension du thème de l’atelier.

Ont pris part à ces travaux :

  • un (01) représentant de l’ANAJJ ;
  • un (01) représentant de ABA Roli ;
  • deux (02) formateurs (01 magistrat et 01 avocat professionnel) ;
  • Vingt (20) DCO de la région de Diffa.

Première journée : 21 Mars 2023

La première journée de l’atelier a débuté par la présentation du formateur Monsieur Ali Ibrahim magistrat à l’ANAJJ. Elle a porté sur la sous-thématique de la personnalisation de la peine. Deux parties ont été développées lors de cette communication à savoir, d’une part, un aperçu introductif de la notion et d’autre part, les exceptions au principe de la personnalisation de la peine.

Abordant l’aperçu introductif de la notion, le formateur a expliqué que la peine doit frapper le délinquant seul. C’est le caractère personnel de la peine affirmé tant par les instruments juridiques internationaux, régionaux que nationaux. C’est un principe de droit pénal selon lequel on ne peut condamner une personne pour un fait punissable qu’elle n’a pas elle-même commise. Autrement dit, une personne ne peut être punie en raison d’une infraction commise par une autre personne. La personnalisation de la peine permet au juge, une fois la culpabilité de l’auteur prononcée, de choisir la peine qu’il souhaite appliquer dans les limites prévues par la loi.

De manière générale, la personnalisation des peines ou leur individualisation, vise à ce que la nature, le quantum et même le régime des peines prononcées puissent permettre de concilier à la fois la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime, avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et prévenir la commission de nouvelles infractions.

Mais d’un point de vue pratique, la personnalisation de la peine se manifeste à deux niveaux de la procédure : d’une part au stade de jugement et lors de l’exécution de la sanction d’autre part.

S’agissant de la personnalisation de la peine lors de la phase de jugement, selon le formateur, lors de cette phase, le juge va s’intéresser tant aux circonstances de l’infraction (caractère objectif) en elles-mêmes (ex : infraction de jour ou de nuit, dans le cadre du travail ou en dehors, action ou omission, violence ou astuce, seul ou avec des complices…) qu’à la personnalité (caractère subjectif) de son auteur (ex : situation matérielle, contexte familial et social). Cette appréciation souveraine des juges est indispensable pour leur permettre, à la fois de punir le comportement antisocial et donc de rétablir l’ordre qui a été troublé, et de prononcer la peine adéquate à son auteur, lui permettant ainsi sa réinsertion sociale. Cette appréciation des juges sera évidemment guidée par l’intervention de l’avocat compétent en droit pénal qui produira les éléments pertinents à la défense de son client et permettra ainsi l’individualisation de sa peine. Selon le communicateur, une bonne défense efficace implique de se faire accompagner des conseils d’un praticien rompu aux particularités de la matière pénale.

Pour ce qui est de l’individualisation de la peine lors de l’exécution de celle-ci, il faut d’abord retenir que la personnalisation de la peine peut également intervenir après la phase de jugement, au moment de l’exécution de la peine. La personnalité de l’auteur de l’infraction prend ici toute son importance en ce que la condamnation a d’ores-et-déjà été prononcée.

L’individualisation de la sanction pénale reste assez marquée dans la législation pénale nigérienne, notamment à travers le premier chapitre du code pénal. Il ressort en effet des dispositions de l’article 17 du code pénal, qui introduisent une distinction entre les hommes, les femmes, les personnes âgées et les mineurs condamnés, en ce qui concerne les travaux auxquels ils sont employés les uns par rapport aux autres. Alors que les hommes sont employés à des travaux d’utilité publique plus pénibles, les femmes, les personnes âgées et les mineurs ne sont employés qu’à des travaux à l’intérieur des établissements pénitentiaires.

Il en est de même des articles 671 à 675 du code de procédure pénale qui déterminent les conditions de mise en œuvre et du bénéfice de la libération conditionnelle au profit des certaines catégories de condamnés. Dans la même optique, les articles 676 à 679 du code de procédure pénale fixent les conditions dans lesquelles les juridictions peuvent prononcer les condamnations assorties de sursis à l’égard de certaines personnes.

L’individualisation de la peine, quoiqu’un principe sacrosaint du droit pénal, connait une certaine tempérance, on parle ainsi de la responsabilité pénale du fait d’autrui.

Par rapport aux exceptions au principe de la personnalisation de la peine, le formateur a évoqué le principe selon lequel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Il a souligné cependant, que dans un certain cas bien précis, la jurisprudence va estimer qu’un individu puisse être responsable des faits commis par une personne autre que lui-même. Tel va être le problème de la responsabilité pénale du chef d’entreprise, pour une infraction commise par son préposé.

Cette responsabilité pénale du fait d’autrui est toutefois tempérée par un mécanisme de délégation de pouvoirs, dans lequel le chef d’entreprise aura la possibilité de s’exonérer de cette responsabilité pénale. Mais la responsabilité du fait d’autrui, suppose non seulement la commission d’une infraction par le préposé, mais également l’existence d’une faute personnelle imputable au chef d’entreprise.

S’agissant de la nécessité d’une faute commise par le préposé, il faut retenir qu’il n’apparaît aucun fondement législatif admettant ou excluant la responsabilité du chef d’entreprise pour une infraction commise par son employé. Cependant, la jurisprudence a pris le pas en la matière, et a institué le fondement principal de la responsabilité pénale du fait d’autrui. C’est ainsi que par un arrêt historique en date du 27 septembre 1839 (arrêt WIDERKHER), la Cour de cassation française a estimé qu’un boulanger était responsable de la vente de pain par sa femme à un prix supérieur de celui qui était autorisé.

Ainsi, cette responsabilité pénale du fait d’autrui ne se conçoit qu’en présence d’une faute imputable au préposé ; quand ce sera lui qui commettra l’élément matériel de l’infraction. Il pourra s’agir tantôt d’une infraction de commission (déversement dans un cours d’eau de substance nuisible), tantôt d’une infraction d’omission (le fait par exemple de ne pas prendre des mesures de sécurité tel qu’imposé par la loi ou le règlement). Mais la responsabilité pénale pour autrui va jouer quelle que soit l’intention ou non pour le préposé de commettre l’infraction. Tel a été le cas dans l’arrêt WIDERKHER précité où la responsabilité pénale du patron a été admise alors même qu’il s’agissait d’une infraction intentionnellement commise par le préposé.

En ce qui concerne la faute imputable au chef d’entreprise, le communicateur a indiqué que pour que la responsabilité pénale du fait d’autrui puisse être engagée, il est nécessaire qu’une faute soit imputable au chef d’entreprise

Dans le même ordre d’idée, la responsabilité pénale des parents face aux actes délictueux posés par leur enfant mineur est suffisamment révélatrice de cette règle. En cas de condamnation à une amende par exemple, le paiement du montant de celle-ci est demandé aux parents du mineur condamné.

Tout au long de l’exposé, les participants ont posé des questions pertinentes qui ont trouvé des réponses satisfaisantes en s’appuyant sur les dispositions du code de pénal et du code de procédure pénale et les expériences liées à la pratique.

Des débats ont été faits sur la réparation civile, la réparation « civile » traditionnelle (la « DIA »), le travail d’intérêt général (TIG), les centres de réinsertion et de rééducation.

La journée s’est achevée par un cas pratique sur la responsabilité du chef d’entreprise, soumis à l’intention des DCO par le représentant de l’ANAJJ. Ce cas pratique a suscité des discussions très animées.

Deuxième journée : 22 Mars 2023

La deuxième journée a été animée par Maître Nana Aïché Oumara, Avocat à la cour et sa communication portait sur la deuxième sous thématique à savoir l’introduction et les généralités sur la peine. L’exposé de cette partie a consisté à voir d’abord les circonstances atténuantes puis les circonstances aggravantes.

Selon la formatrice, le prononcé d’une sanction ne présente plus depuis longtemps aucun caractère d’automaticité. L’équation telle infraction, telle peine n’a plus cours. Il faut désormais prendre en compte l’acte commis, mais aussi les circonstances qui l’entourent ainsi que la personnalité de l’auteur. Cette individualisation de la peine, s’effectue en fait sur deux plans : d’une part celui de la fixation de la peine elle-même et d’autre part celui de la personnalisation de la peine.

La fixation de la peine en cas de condamnation est une question de fait laissée au pouvoir d’appréciation souverain des juges du fond. Ce pouvoir discrétionnaire n’est toutefois pas sans limite et le législateur prévoit un certain nombre de règles qui vont venir soit améliorer, soit aggraver le sort du condamné et qui pourront ou devront être prises en compte par le juge. Avant toute chose, il importe de préciser que le juge est libre dans la détermination de la peine mais aussi, de façon plus large, qu’il est libre dans le choix de la sanction. Le juge joue à l’évidence un rôle essentiel dans la fixation de la peine puisqu’il va d’une part, choisir le type de peine et d’autre part, décider de son quantum. Au regard du quantum c'est-à-dire de la durée des peines ou encore du montant des amendes, c’est le juge qui décide librement dans les limites prévues par le législateur.

Concernant les circonstances atténuantes, il faut retenir qu’elles peuvent être définies comme une excuse judiciaire accordée au juge, lui permettant d’abaisser la peine dans la mesure fixée par la loi. Elles sont donc laissées à l’appréciation souveraine des juges du fond. Ces circonstances sont indéfinissables et illimitées. Elles résultent de toutes les circonstances qui diminuent, soit la gravité objective du délit, soit la culpabilité subjective de l’agent. L’âge, le repenti, le mobile, les passions qui ont entrainé la commission de l’infraction, le bon comportement, l’ascendance qu’une personne a exercée sur l’esprit du coupable, l’ignorance de la loi, le fait que le délit n’a pas réussi, le défaut de préméditation, l’ivresse passagère, l’insignifiance du préjudice causé, les mauvaises influences, etc, rentrent incontestablement dans la classe des circonstances dont le juge peut tenir compte pour atténuer la peine légale.

Considérées au point de vue juridique, les circonstances atténuantes ne seront jamais confondues avec les causes de non-imputabilité ou les faits justificatifs : démence, défaut de discernement, contrainte, l’état de nécessité, la légitime défense ou l’ordre de la loi. Les faits justificatifs font disparaître l’infraction elle-même, les circonstances atténuantes supposent au contraire, un délit légalement constitué et un agent responsable.

De ce caractère des circonstances atténuantes, résultent trois conséquences :

  • elles n’ont pas besoin d’être précisées par le juge ;
  • l’effet des circonstances atténuantes est de modifier la peine, sans modifier la nature et la qualification de l’infraction ;
  • enfin, l’appréciation des circonstances atténuantes n’appartient, en aucune manière, et dans aucun cas, aux juridictions d’instruction, qui ne sont pas des juges des degrés de la culpabilité.

Les circonstances atténuantes ont avec les excuses, un caractère commun. Elles modifient la peine de l’infraction, dans sa nature, dans sa durée ou dans sa quotité.

La consultante a par la suite évoqué quelques articles du code pénal relatifs aux circonstances atténuantes. Il s’agit notamment des articles 53, 54 et 243.

Parlant des circonstances aggravantes, elle a affirmé que la responsabilité pénale d’un individu peut se trouver aggravée en raison de circonstances particulières entourant l’infraction. Ces circonstances aggravantes renforcent la sanction. Celles-ci sont de plusieurs sortes.

La première catégorie est celle qu’on appelle la circonstance aggravante générale. Elle tient à la personnalité du délinquant, dès lors que ce dernier se trouve en état de récidive. Le délinquant récidiviste est celui qui commet une ou plusieurs infractions alors qu’une ou plusieurs condamnations définitives ont été prononcées contre lui antérieurement. Le délinquant, bien que déjà averti, manifeste ainsi en répétant des actes antisociaux, sa volonté de rester dans l’illégalité. Alors la justice se veut plus sévère à son égard. Pour qu’il y ait récidive, certaines conditions doivent être remplies :

  • une condamnation pénale de la première infraction et qui doit être passée en force de chose jugée.
  • deuxième condition : une nouvelle infraction commise, c’est évident, sinon il n’y aurait pas récidive – un crime, un délit voire une contravention.
  • et enfin, troisième condition un délai de commission de la nouvelle infraction qui va courir à compter de l’expiration ou de la prescription de la première peine.

Le casier judiciaire évidemment joue un rôle essentiel en matière de récidive dans la mesure où c’est lui qui mémorise le passé pénal du délinquant en enregistrant toutes les condamnations pour crimes, délits et contraventions et c’est bien entendu au vu de ce fichier que la juridiction va prononcer sa sanction et que la récidive pourra être mise en application.

La communicatrice a appuyé son exposé par certaines dispositions traitant de la récidive. C’est notamment le cas des articles 56, 57, 58, 59 et 61 du code pénal.

Des débats ont eu lieu notamment sur le délai pour qu’il ait récidive et la récidive en matière de contravention.

Un cas pratique sur les circonstances atténuantes a été soumis à l’intention des DCO. Pour ce faire, ils ont été scindés en deux (02) groupes de travail afin d’apporter des réponses aux questions posées. C’est ainsi qu’après quelques instants de réflexion en groupe, le rapporteur désigné dans chaque groupe a pris la parole pour exposer le résultat de leur travail. Il convient de noter que dans l’ensemble les DCO ont répondu aux questions du cas pratique de façon satisfaisante.

La journée s’est terminée par la restitution du résultat des travaux en groupes.

Troisième journée : 23 Mars 2023

 La troisième journée a porté sur la poursuite de la communication de Maître Aïché Oumara suspendue la veille pour soumettre un cas pratique aux participants. Il s’agit de l’exposé sur les circonstances aggravantes. La consultante a donc continué avec l’étude des circonstances aggravantes spéciales.

La formatrice a expliqué qu’elles sont prévues par le législateur et généralement attachées à une ou plusieurs infractions bien déterminées et elles ont pour conséquence, là encore, d’aggraver la peine prononcée par la juridiction. Ces circonstances peuvent tenir soit à la qualité de l’auteur, par exemple lorsqu’il est dépositaire de l’autorité publique ; lorsqu’il a la qualité d’ascendant ou de descendant. Cela peut tenir également à la qualité de la victime, cela peut être un mineur, cela peut être une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge ou vulnérable en raison d’une maladie ou d’une infirmité ou encore d’un état de grossesse, soit encore aux conditions ou moyens utilisés pour commettre l’infraction. ;

L’exposante a donné quelques cas de circonstances aggravantes prévues par le code pénal. Il s’agit notamment des cas prévus aux articles 284, 285, 309, 310, 311, 312, 242, 243 et 244 du code pénal. Les circonstances aggravantes du meurtre sont la préméditation ou guet-apens, celui commis sur ascendant (pères et mères légitimes, naturels ou adoptifs ou de tout autre ascendant légitime) et celui par l’effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées, et quelles qu’en aient été les suites.

Les participants ont posé des questions et des débats ont eu lieu sur la tentative de viol et de la tentative de meurtre.

A la fin de la présentation, un cas pratique sur la récidive a été soumis à l’intention des DCO. Ainsi les participants ont été scindés en quatre (4) groupes pour traiter le cas pratique. Après quelques temps de travaux en groupe, le rapporteur désigné par chaque groupe a présenté à l’assistance le résultant de leur réflexion. Il convient de souligner que des réponses satisfaisantes ont été données par chacun des groupes.

A l’issu des travaux de l’atelier, certains DCO ont exprimé le vœu pour qu’une session de formation sur les techniques de plaidoirie soit organisée. Car selon eux une telle formation est nécessaire pour leur permettre d’assurer une défense de qualité.